Un guide rassurant et concret, inspiré des conseils d’Alexia Aigloz (épisode « PDP 1 – Se préparer au sommeil de son bébé », Le Monde de Lulu, 4 août 2023)
Pourquoi s’informer avant la naissance change tout

Pendant la grossesse, vous avez (un peu) plus de temps et d’énergie pour poser les bases. Comprendre ce qui est normal et ce qui ne l’est pas dans le sommeil du tout-petit vous aide à ajuster vos attentes, à éviter la culpabilité et à repérer plus vite quand consulter. Des parents informés sont souvent plus sereins, même si le nombre de réveils nocturnes reste comparable : la différence se joue sur la compréhension et la confiance.
0–3 mois : le « non-rythme »… normal !
De la naissance à environ 3 mois, le bébé fonctionne sur un rythme ultradien (alternance éveil/sommeil toutes les 2 à 4 h), sans distinction stable jour/nuit.
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Pas d’horaires fixes à attendre : c’est anarchique et… physiologique.
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La différenciation jour/nuit commence souvent entre 4 et 10 semaines.
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Le rythme circadien (avec de vraies siestes le jour et un sommeil plus long la nuit) se met progressivement en place entre 2 et 6 mois.
Concrètement, que faire à cet âge ?
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À la demande : alimentation et sommeil, au sein comme au biberon.
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Recréer des repères “in utero” : chaleur, portage, bercements, proximité, bruits continus doux.
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Ralentir : accepter de “vivre au rythme du bébé” quelques semaines allège la pression et favorise votre récupération.
Mythes fréquents… et réalités éclairantes
« Un bébé allaité dort moins qu’un bébé au lait artificiel »
Faux. Sur 24 h, la durée totale de sommeil est similaire (parfois un peu plus longue chez certains bébés allaités). En revanche, le sommeil du bébé allaité est souvent plus fractionné et léger, ce qui sert aussi sa sécurité, sa régulation (cardiaque, respiratoire) et l’entretien de la lactation. Les tétées nocturnes ne sont pas “un problème” mais une fonction.
« Dormir en portage, en poussette ou dans les bras crée de “mauvaises habitudes” »
Faux. Les siestes en contact répondent au besoin de proximité d’un petit mammifère humain. Plus le bébé se sent en sécurité, plus il peut lâcher-prise et dormir. La condition non négociable : la sécurité (positions, surveillance, environnement).
« Il faut un rituel strict dès la naissance »
Inutile au départ. Le rituel devient pertinent vers 3–5 mois. Gardez-le simple, court, flexible et adapté à votre enfant : quelques étapes récurrentes (changer la couche, tamiser, câlin/bercement, coucher), sans minutage rigide ni sur-stimulation. Le rituel du soir peut différer de celui des siestes, et évolue la première année.
« Le laisser pleurer l’aidera à “apprendre” à dormir »
Non. Le sommeil n’est pas un apprentissage, c’est une acquisition qui mûrit avec le temps (comme marcher). Laisser pleurer ne “fabrique” pas le sommeil autonome ; au mieux, cela éteint les signaux (l’enfant n’appelle plus), au prix d’un stress inutile et d’un lien de confiance fragilisé. Répondre aux besoins n’empêche pas l’autonomie future ; c’est ce qui la construit.
Routines, environnement & sécurité : le trio gagnant
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Rituels : 3–5 étapes, 10–15 min max, signes constants (obscurité, calme, mots doux).
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Environnement : pièce aérée, température 18–20 °C, obscurité progressive le soir, bruit modéré.
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Sécurité : couchage sur le dos, matelas ferme, pas d’objets ni tour de lit, pas de tabac. Le cododo est tout à fait possible lorsqu’il est fait de manière sécuritaire.
Méthodes « d’entraînement au sommeil » : prudence
Ce qui doit alerter : discours qui dévalorisent la proximité, promettent des “nuits complètes en 10 jours”, ou culpabilisent l’allaitement/portage/cododo. Ces approches peuvent masquer des problèmes (reflux, frein restrictif, troubles respiratoires, apnées, etc.).
Un pédiatre n’est pas toujours spécifiquement formé au sommeil, à l’allaitement ou à la diversification : si vous ne vous sentez pas écoutés ou si les conseils ne correspondent pas à vos valeurs, cherchez un professionnel formé et aligné.
De la grossesse au postpartum : bâtir votre “village”
Période de vulnérabilité = mieux vaut anticiper.
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Avant la naissance : informez-vous sur le rythme réel du nouveau-né ; faites une liste de naissance utile (heures de ménage, repas livrés, massages post-nataux à domicile, cartes-cadeaux d’aide).
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Entourage : choisissez des personnes qui respectent vos choix (allaitement, portage, cododo).
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Écologie mentale : désabonnez-vous des comptes qui vous culpabilisent.
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Boussole interne : si un conseil vous dérange, c’est qu’il ne vous convient pas.
De 4 à 6 mois : lire le bébé, pas la montre
À partir de 4 mois, observez les fenêtres d’éveil (signes de fatigue : frottement des yeux, regard qui fuit, agitation). Utilisez ce que vous voyez pour caler les siestes au meilleur moment, sans vous attacher à des horaires fixes.
Check-list express : vos essentiels “sommeil
À connaître
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0–3 mois : pas de rythme attendu ; alternances 2–4 h normales.
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J/N : se met en place vers 4–10 semaines.
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2–6 mois : émergence progressive du rythme circadien.
À éviter
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Les promesses de “nuits en X jours”.
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La course aux “méthodes miracles”.
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Les rituels trop longs ou rigides.
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La culpabilité : répondre à un besoin n’est jamais une mauvaise habitude.
À faire
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Contact, portage, proximité en toute sécurité.
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Allaitement/biberon à la demande ; accepter les tétées nocturnes.
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Rituel simple et évolutif (à partir de ~3–5 mois).
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Ralentir et vous faire aider (ménage, repas, gardes ponctuelles).
Quand demander un avis médical ?
Consultez si vous observez :
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Gémissements respiratoires, pauses respiratoires, sueurs abondantes au dodo, cyanose, malaises.
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Reflux avec douleurs, pleurs inconsolables, régurgitations abondantes gênant l’alimentation.
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Prise de poids insuffisante, refus de s’alimenter, fièvre, comportement inhabituel.
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Toute intuition forte que “quelque chose ne va pas”.
Questions fréquentes
Faut-il “espacer” les tétées nocturnes ?
Non si votre bébé en a besoin : elles soutiennent croissance, sécurité et lactation. Les espacements viennent d’eux-mêmes avec la maturation.
Si mon bébé ne dort qu’en portage, je suis “coincé” ?
Non. À cet âge, c’est normal. Vous introduirez d’autres modalités progressivement, quand votre enfant se sentira prêt.
Dois-je réveiller mon bébé le jour pour “protéger” la nuit ?
Avant 3 mois, inutile (sauf avis médical). Après, on évite des siestes très tardives si elles décalent franchement l’endormissement du soir. En revanche, un sommeil en appelle un autre: plus votre bébé dort en journée, plus facile sera la nuit.
Point bonus sur la « Surfatigue » : mythe marketing ou vrai concept ?
Dans le langage courant des réseaux, la surfatigue décrit un bébé « trop fatigué pour dormir ». Le mot n’est pas scientifique, mais il désigne un phénomène réel : quand un enfant reste éveillé trop longtemps (par rapport à sa maturité), son organisme sécrète davantage d’hormones d’éveil (noradrénaline, cortisol). Résultat : il s’agite, a un second souffle, s’endort plus difficilement, et son sommeil devient plus instable (micro-réveils, siestes courtes, réveils précoces).
Ce que dit la physiologie (sans jargon)
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Le sommeil est régulé par deux systèmes :
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la pression de sommeil (Processus S) qui monte avec le temps d’éveil ;
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la horloge circadienne (Processus C) qui donne les « fenêtres » où l’endormissement est le plus facile.
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Si on dépasse trop la bonne fenêtre, le corps remonte le niveau d’éveil pour « tenir » → d’où l’impression d’un bébé « surexcité » alors qu’il est… très fatigué.
Signes typiques d’« overtiredness »
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Bébé s’énerve au coucher, s’arqueboute ; pleurs « en escalade ».
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Fausse énergie / second souffle ; difficulté à déconnecter.
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Endormissement long, siestes écourtées (30–40 min), réveils nocturnes plus fréquents, réveil très matinal.
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Parfois un cycle “plus il est crevé, moins il dort” sur 24–72 h.
À l’inverse, un bébé pas assez fatigué (sous-fatigue) s’endort vite… mais fait une sieste très courte ou bavarde longtemps au coucher. Les deux existent : l’important est d’observer votre enfant, pas la montre.
Ce qui aide vraiment (et ce qui n’aide pas)
Aider
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Avancer l’heure de coucher de 30–60 min après une journée « compliquée ».
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Proposer une sieste de rattrapage (portage, poussette, voiture) pour casser le cercle.
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Rituel court et constant (10–15 min) pour abaisser l’éveil.
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Fenêtres d’éveil : s’en servir comme repères souples, pas comme règles.
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Lumière du jour le matin / baisse de stimulation en fin d’après-midi.
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Proximité sécurisante (contact, bercement) si l’enfant lutte.
N’aide pas
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« Faire tenir encore un peu » pour « mieux dormir » : souvent ça aggrave l’agitation.
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Les rituels trop longs qui font rater la fenêtre.
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Les promesses de « nuit complète en 3 jours » : cela saute les besoins de l’enfant et peut masquer un souci sous-jacent (reflux, frein restrictif, etc.).
Repères d’éveil (très indicatifs)
À adapter à VOTRE enfant ; certains tolèrent plus/moins d’éveil.
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0–3 mois : pas de rythme attendu ; alternances 2–4 h sur 24 h.
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4–6 mois : fenêtres d’éveil souvent 1 h 30 – 2 h 30.
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6–9 mois : 2 – 3 h (siestes 2–3/jour).
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9–14 mois : 3 – 4 h (transition vers 1 sieste).
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14–24 mois : 4 – 6 h (1 sieste).
Ces fourchettes servent à prévenir la surfatigue… mais vos signes de fatigue (regard qui fuit, frottement des yeux, ralentissement puis agitation) restent plus fiables que l’horloge.
« Surfatigue » : ce qu’il faut relativiser
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Ce n’est pas dangereux en soi ni « toxique de cortisol ». C’est pénible, pas nocif si ça reste ponctuel.
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On ne « casse » pas un bébé parce qu’une soirée a dérapé. Mieux vaut réparer le lendemain (sieste de secours + coucher avancé) que culpabiliser.
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Si l’on parle de surfatigue tous les jours, il faut revoir l’organisation (siestes, timing, env. d’endormissement)… et explorer d’éventuels freins (RGO douloureux, freins restrictifs, apnées, douleurs, etc.).
Pour aller plus loin, je vous recommande chaudement les livres suivants:
– Dormir sans larmes, de Rosa JOVE
– L’aider à dormir comme un bébé, d’Alexia AIGLOZ
