Comme mentionné dans mon article précédent, cette année, à l’occasion de la semaine mondiale de l’allaitement maternel, l’OMS travaille avec l’UNICEF pour promouvoir l’importance du soutien apporté aux mères allaitantes.

Attention, promouvoir l’allaitement ne signifie pas chercher à culpabiliser les mamans qui préfèrent nourrir au biberon : Il est tout à fait légitime de ne pas vouloir allaiter. Mais cette décision doit se faire de manière éclairée, c’est-à-dire en parfaite connaissance des avantages et inconvénients des différents choix qui s’offrent à la future mère. Et surtout, les mamans et futures mamans désireuses de conduire un allaitement maternel devraient pouvoir être accompagnées correctement.

Car l’allaitement n’est pas qu’une question de volonté ! De nombreuses mères souhaitant allaiter sont malheureusement mal conseillées, rencontrent des difficultés qu’elles ne parviennent pas à surmonter et se voient contraintes d’arrêter trop précocement.

Mais les choses évoluent! Par exemple, le peau à peau s’inscrit dans les protocoles hospitaliers actuels, l’allaitement « à la demande » fait partie des recommandations officielles de l’HAS (Haute Autorité de Santé), les biberons de complément ne sont plus systématiquement proposés, et les fausses croyances du grand public (problème de production insuffisante de lait, forme de mamelon inapproprié, lait pas assez nourrissant, etc) sont de moins en moins évoquées.

Voici tout de même quelques points qui me paraissent importants à connaître pour se lancer sereinement dans cette aventure.

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Démarrage précoce de l’allaitement

Les premières heures qui suivent l’accouchement semblent être une période déterminante pour que la montée de lait se fasse rapidement. Pour cela, il est recommandé de placer le bébé sur sa mère directement après la naissance : c’est le fameux « peau à peau », moyen efficace d’initier la production des hormones de lactation. Notez que le peau à peau est conseillé quel que soit le mode d’allaitement que l’on souhaite mettre en place car il permet également de stimuler la production d’ocytocine (hormone de l’amour, cf mon article sur le lien parent-enfant).

Même âgés de quelques minutes, la plupart des bébés sont capables de pratiquer ce qu’on appelle le « breast crawl » : après un moment de repos, ils rampent jusqu’au sein et commencent à téter tout seuls. Ce processus peut prendre de quelques minutes à une ou deux heures. Il est possible d’aider le bébé à prendre le sein quand il montre qu’il est prêt à le faire. Mais si on ne le fait pas, bon nombre d’entre eux se débrouilleront pour le trouver eux-mêmes. Il n’est cependant pas impératif qu’il tète réellement (voire même contre-productif si on l’y force) : d’abord parce que le bébé a rarement faim directement après l’accouchement -il était nourri en continue dans le ventre-, et ensuite parce que quelques gouttes du premier lait (appelé colostrum) suffisent amplement à optimiser ce démarrage et à remplir l’estomac de bébé qui est alors plus petit qu’un noyau de cerise.

Souvent le bébé ne tètera pas correctement au sein les toutes premières fois. Certains font ça comme des chefs dès la naissance alors que d’autres ont besoin de quelques jours pour apprendre. Frotter son nez contre le mamelon est une façon comme une autre de commencer, et ne constitue pas un refus du sein.

Un accouchement compliqué peut retarder ou empêcher ce premier contact. Si cela n’a pas été fait, pas de panique ! Vous aurez beaucoup d’autres possibilités et occasions d’établir la lactation. Par exemple le portage fréquent et le cododo aident beaucoup. Cela demandera juste davantage d’efforts à la mère et à l’enfant, et davantage de soutien de la part des professionnels de santé.

Conseil pour allaitement réussi bébé
bébé porté au bras

Positionnement

Une bonne position est primordiale pour stimuler la lactation. Dans les grandes lignes, maman et bébé sont ventre contre ventre, dans une position confortable pour la mère (le coussin d’allaitement est votre allié), et le nez de bébé à hauteur du téton. Pas d’inquiétude : cela ne l’empêchera pas de respirer ! La tête, les épaules et le bassin du petit sont dans le même axe.  Celui-ci doit ouvrir grand la bouche pour attraper l’ensemble de l’aréole (et pas seulement le mamelon). Pour cela, sa tête est légèrement inclinée vers l’arrière. Une fois placé, ses lèvres sont ourlées vers l’extérieur. Si vous sentez que votre bébé n’attrape que partiellement le sein, vous pouvez abaisser sa mâchoire inférieure en tirant doucement son menton vers le bas, mais ne coincez pas sa tête dans une position forcée.

Ça, c’est la théorie. En pratique, inutile de trop insister sur l’aspect technique dans l’immédiat. Ce qui fonctionne pour une mère peut ne pas fonctionner pour une autre. Et ce qui fonctionne le mieux lors d’une tétée peut ne pas bien fonctionner à la tétée suivante. Tant que vous vous sentez bien et que bébé a l’air détendu, c’est ce qui compte ! Je vous encourage vivement à vous rapprocher de la philosophie de Suzanne COLSON et de ce qu’elle nomme le « Biological Nurturing ».
Attention ceci dit : trop souvent, on dit que la prise de sein est parfaite, mais il est facile de le dire sans que ce soit le cas. Si l’on vous dit que la prise de sein de votre bébé de 5 jours est bonne alors que vos mamelons sont douloureux ou que vous ne vous sentez pas à l’aise, soyez sceptique et demandez de l’aide à quelqu’un d’autre. Les consultants en lactation seront ceux vers qui se tourner.

Douleurs et inconforts de l’allaitement

On dit souvent aux mères que si l’allaitement est douloureux, c’est que la position et donc la prise de sein n’est pas bonne (et c’est généralement vrai). Mais beaucoup d’autres raisons existent : perturbation mécanique de la succion du bébé (frein de langue ou tensions crâniennes), infection, candidose, réflexe d’éjection trop fort, etc… Néanmoins, la plupart des cas se résolvent facilement une fois que la cause a été identifiée. Notez que certains freins de langue sont évidents, mais d’autres, plus subtils, exigent une évaluation qui va au-delà de la simple recherche visuelle. Quoi qu’il en soit, si les douleurs persistent malgré la mise en place d’un traitement ou de toute prise en charge, le mieux est de se référer à un consultant en lactation.

N’hésitez pas à consulter un ostéopathe après la naissance afin d’éliminer la présence de tensions crâniennes ou buccales qui pourraient interférer dans la mise au sein. Pour connaître les différentes raisons d’aller voir un ostéopathe pour votre bébé, cliquez ici.

Cela peut vous aider de savoir que les seins ne sont habituellement sensibles que durant la première semaine, pendant une ou deux minutes au début de la tétée. Une fois que le lait coule, la sensation douloureuse disparaît généralement. Vous pouvez appliquer du lait maternel et/ou de la lanoline avant et après chaque tétée durant votre séjour à la maternité pour limiter les symptômes. Si vous ressentez plus qu’une simple gêne passagère, ce peut être le signe que votre bébé n’a pas encore une succion efficace, ou qu’effectivement la prise en sein n’est pas optimale. Durant les premiers jours, varier les positions que vous utilisez pour allaiter : il exercera une pression sur des endroits différents de votre sein, ce qui aide à prévenir et/ou à soulager les mamelons douloureux et limiter l’apparition de crevasse ou d’engorgement.

Sachez toutefois que même après les premiers jours, lorsque le bébé se met à téter, beaucoup de mères ressentent un fourmillement ou picotement. Ceci est dû au réflexe d’éjection du lait. Il a lieu plusieurs fois pendant la tétée, et du lait peut également couler en même temps à l’autre sein.

Rythme des tétées

Ici, une règle d’or prédomine : l’allaitement à la demande. Si un professionnel vous oriente vers une prise de repas toutes les 3h comme pour un bébé allaité de manière artificielle, sachez qu’il n’est plus à jour concernant les recommandations HAS. En effet le lait est produit en fonction de la stimulation du sein et plus le bébé tète, plus il y aura de lait. Ainsi la mère d’un bébé qui tète toutes les heures ou toutes les deux heures aura une lactation abondante, tandis que la mère qui essaiera de “faire patienter” le bébé aura nettement moins de lait.

Vous entendrez peut-être qu’il faut limiter la tétée à 10-15 minutes à chaque sein pour éviter les douleurs aux mamelons. C’est vrai que c’est un des facteurs favorisant l’apparition de crevasses. Pourtant, il faut parfois plusieurs minutes pour que le lait commence à couler, et le système de sécrétion hormonale responsable de la lactation peut aller jusqu’à 20 minutes pour se mettre en place correctement. Plusieurs études ont montré que les mères à qui on a permis d’allaiter leur bébé fréquemment sans se soucier de la durée ou de l’intervalle entre les tétées, dès la naissance, commencent à produire du lait jusqu’à deux à quatre jours plus tôt que les mères qui doivent allaiter selon des horaires fixes. D’ailleurs, toutes les observations de populations primitives (où l’allaitement se rapproche le plus du rythme physiologique) montrent des tétées courtes et très fréquentes (trois ou quatre par heure).

D’autant que les bébés tètent pour bien d’autres raisons que pour assouvir leur faim : sécurité, réconfort, besoin de contact, stimulation de la succion, …

Exit donc les tétées chronométrées et les calculs d’intervalle : Cessez de regarder la montre et laissez le bébé téter aussi longtemps qu’il le souhaite !

Si votre nouveau-né est un de ces bébés “sages” qui dorment régulièrement plus de trois heures entre les tétées, ou que celui-ci est un petit gabarit, il faudra le stimuler jusqu’à ce que votre lactation soit bien établie. Pour cela, n’attendez pas que votre bébé réclame le sein ou semble affamé: allaitez aux premiers signes d’éveil. Les pleurs ou une agitation pouvant compliquer la prise alimentaire, ce conseil est de plus en plus appliqué même pour les nourrissons bien portant.

Durant les premières semaines, proposez les deux seins à chaque tétée. En cas de production insuffisante, vous pouvez pratiquer la « super-alternance » en changeant plusieurs fois de sein au cours de la même tétée, chaque fois que le bébé ralentit son rythme de déglutition ou qu’il commence à s’assoupir.

bébé au sein

Perte de poids

L’OMS dit que les nouveau-nés allaités ne devraient recevoir aucun complément, sauf indication médicale. En effet, de nombreuses études ont constaté que les biberons de complément avaient un impact négatif sur le démarrage de l’allaitement, et augmentaient le risque de sevrage précoce. D’abord parce que les administrations de compléments sont autant d’occasions manquées de mettre le bébé au sein (et moins le bébé tète, moins il y a de lait), et ensuite parce que le mécanisme de succion au biberon est plus facile (débit plus rapide et nécessitant une succion moins forte). En bon humain, votre petit est partisan du moindre effort et préfèrera le mode l’alimentation qui lui demande le moins d’énergie à fournir !

Il existe une perte de poids tout à fait naturelle durant les premiers jours de vie, qui n’est pas une indication à recevoir des compléments. Pourtant ceux-ci sont encore très facilement donnés dans certaines maternités car ils permettent de contrôler la quantité ingérée.

Pour les mamans qui angoissent un peu à l’idée de ne pas savoir si votre bébé mange à sa faim, il y a plusieurs astuces pour s’en assurer : Ses couches sont régulièrement mouillées, il est bien éveillé, sa peau est douce et souple. Enfin, les courbes de croissance (taille, poids, périmètre crânien) sont harmonieuses. Inutile donc de vous ruer sur les balances pour bébé. En dehors des visites chez le médecin, elles ne serviront qu’à augmenter votre stress !

Il sera nécessaire de revoir la conduite de l’allaitement et l’efficacité du bébé au sein si :
– la perte de poids dépasse 7 % du poids de naissance ;
– le bébé continue à perdre du poids au 4ème jour de vie ;
– le bébé ne reprend pas de poids au 5ème jour ;
– le bébé n’a pas repris son poids de naissance au 10ème jour.

sommeil bébé ostéopathie

Dernier point bonus

Dormez !! Une maman reposée produira plus de lait. Sautez sur toutes les occasions de sieste qui se présentent, laissez tranquille la poussière de la maison (ou déléguez : au conjoint, votre belle-mère, cet ami qui a proposé son aide, votre ado, le chien, ou une femme de ménage si vous en avez les moyens), et surtout, profitez de votre congé maternité !

Et comme toujours, prenez soin de vous ;)

Sources :
www.lllfrance.org, et plus spécialement : https://www.lllfrance.org/vous-informer/votre-allaitement/liste-des-dossiers-de-l-allaitement
Copie de paragraphes de la traduction du feuillet « Breastfeeding – Starting out right » du Dr Jack Newman (dernière révision en 2018). Texte d’origine:  http://ibconline.ca/information-sheets/breastfeeding-starting-out-right/

Liens vers les pages de l’OMS traitant de l’allaitement :
https://www.who.int/maternal_child_adolescent/topics/child/nutrition/breastfeeding/fr/
https://www.who.int/elena/titles/exclusive_breastfeeding/fr/

Données scientifiques relatives aux dix conditions pour le succès de l’allaitement :
https://www.who.int/maternal_child_adolescent/documents/9241591544/fr/

Raisons médicales pour utiliser des biberons de complément :
https://www.who.int/maternal_child_adolescent/documents/WHO_FCH_CAH_09.01/en/

Liens de l’HAS traitant de l’allaitement:
https://www.has-sante.fr/jcms/c_2820763/fr/accueil-du-nouveau-ne-en-salle-de-naissance
https://www.has-sante.fr/jcms/c_449049/fr/favoriser-l-allaitement-maternel-processus-evaluation

Et aussi:

– le livre de Marie THIRION: l’Allaitement, de la naissance au sevrage (régulièrement conseillé par les sages-femmes, car il promeut l’allaitement efficacement sans pour autant culpabiliser les mères qui n’y parviennent pas ou qui ne souhaitent pas le prolonger).
– Brazelton TB. Psychophysiologic reaction to birth, dans : Guide clinique pour l’Etablissement d’un Allaitement Maternel Exclusif, pages 9et 10. ILCA juin 2005, Lactitude.
– Etude des rythmes de tétée des populations primitives: Melvin Konner et Carol Worthman, « Nursing Frequency, Gonadal Function, and Birth Spacing Among Kung Hunter-Galherers », Science, vol. 207, 15 fév. 1980, p. 788-91.
– Grant MS, Jenkins LS. Communication education for pre-licensure nursing students : literature review 2002-2013. Nurse Educ Today 2014 ; 13 : 1375-81.